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     Quelques notes sur
     L'organiste dans la liturgie 
     François-Xavier GRANDJEAN
                                                      Les suggestions, visions… proposées ici ne sont en rien une vérité, ou une obligation
                                                      de faire. Elles proviennent simplement de mes expériences sur ce sujet depuis
                                                      plusieurs années.

« L’orgue à tuyaux est considéré dans l'Eglise latine comme l'instrument traditionnel dont le son peut ajouter un éclat admirable aux cérémonies de l'Eglise et élever puissamment les âmes vers Dieu et le ciel. Quant aux autres instruments, il est permis de les admettre dans le culte divin selon qu'ils sont ou peuvent devenir adaptés à un usage sacré, qu'ils s'accordent à la dignité du temple et qu'ils favorisent véritablement l'édification des fidèles. »[1]

Le rôle de l’organiste est très important dans la liturgie. Il serait intéressant de comparer le rôle actuel de celui-ci avec le rôle de ses prédécesseurs d’il y a plusieurs siècles.

 Historique
 Au 20ème siècle, l’orgue acquiert une place importante dans la liturgie.

Avant, selon les époques, il avait plutôt un rôle d’alternance ou de suppléance.

- Rôle de suppléance au 17ème siècle en Italie, où l’orgue joue à la place de l’intervention du célébrant (par ex : Kyrie, Elévation, …), qu’on retrouve chez Frescobaldi.

- Rôle d’alternance au 18ème Siècle : il alternait avec le chœur : celui-ci chantait un verset, puis l’orgue jouait et ainsi de suite. La messe des Paroisses ou des Couvents de Couperin est ainsi contruite.

 La place de l’organiste était déjà très importante : il jouait durant à peu près la moitié de l’office.

Une première nouveauté voit le jour au 19ème siècle en France : l’emploi de l’orgue pendant la messe basse. A cette époque, le seul chant considéré comme  liturgique est le chant grégorien, qui est accompagné au Serpent lors de la messe chantée, et non à l’orgue.

Pour la messe basse, on trouve des chants paraliturgiques, comme les cantiques, que l’organiste accompagne. L’emploi de l’orgue devient alors beaucoup plus significatif : non seulement il accompagne, mais il joue une grande partie de la messe : pratiquement du début à la fin, devant uniquement s’arrêter avant l’Evangile, l’Homélie et l’Envoi.

Il joue à des moments comme l’Elévation, d’où la quantité de pièces composées aux 19ème siècle portant le même nom. On assiste en fait pratiquement à des messes-récitals.

 Dès le début du 20ème siècle, l’Eglise réagit à cette pratique. Pie X et Pie XI amoindrirent la part occupée par les instruments de musique dans la liturgie. Plus tard, le Concile Vatican II ira en ce sens. 

 L’orgue a alors un rôle d’accompagnement, réduit du rôle de soliste. L’orgue doit soutenir mais jamais couvrir le chant. Il est au service de la Liturgie.

 Etre un bon organiste liturgique.
 Etre un bon organiste liturgique, c’est mettre son Art au service de la Liturgie, quel que soit son niveau.

 Il s’agit d’un métier à part entière, très important, car son premier rôle est de conduire les fidèles vers Dieu. En effet, l’orgue, de par sa majesté, ses sons soutenus, lui permettant de devenir intemporel, est un intermédiaire entre la terre et le Ciel. 

 Il ne faut pas oublier qu’être titulaire d’un orgue, c’est devenir responsable d’un objet sacré, qui a été bénit.
Il faut donc en prendre soin, en être soucieux, et surtout digne.

 L’organiste doit être suffisamment expert, soit pour accompagner, soit pour être soliste. Cela ne veut pas dire qu’un bon organiste liturgique doit être un virtuose, mais sa musique doit être digne du lieu dans lequel elle est exécutée.

Il devra se former : c’est un métier comme un autre !
Il en est de même pour un lecteur : une messe ça se prépare et ça ne s’improvise pas.

En parlant d’improviser, il me paraît nécessaire d’évoquer l’usage de l’improvisation pour l’organiste. Cette facette du métier est très utile, non seulement quand il n’a pu travailler une pièce de répertoire, elle lui permet aussi l’utilisation de thèmes ou d’ambiances particulières à un temps spécifique, mais elle sert surtout à paraphraser des chants, à réaliser des préludes, des interludes, des postludes, qui vont créer une ambiance musicale, en symbiose avec les différents moments liturgiques, permettant aux fidèles de mieux intérioriser le chant.

 Le bon organiste liturgique doit s’adapter au temps ou au jour liturgique, il doit y avoir un rapport entre les chants, le répertoire et le temps ou jour liturgique : il ne serait pas judicieux de jouer la Toccata de Widor en Carême, ou le « Das alte Jahr vergangen ist » en sortie à Pâques…

 De même, il doit tenir compte du fait que son orgue possède des possibilités multiples de registrations, et il doit gérer celles-ci au mieux pour les différents  moments de la liturgie, et pour éviter de tomber dans une forme de monotonie.

 Il devra aussi connaître la nature des rites : que fait le célébrant ? Qu’est-ce que le rite pénitentiel ? Leur durée : offertoire sans encensement : 1 min, avec : 3 min, communion : 4 min

Il faut bien sûr préciser qu’il doit y avoir une collaboration entre la chorale, le célébrant et l’organiste : celui-ci ne doit pas arriver 5 minutes avant la messe et trouver ses chants sur son pupitre. Il doit rencontrer le prêtre avant chaque office, afin d’être mis au courant d’éventuels changements au programme du jour.

Il devrait partout faire partie intégrante de l’équipe paroissiale.

 Déroulement d’un office

  Il est certain que des variantes peuvent apparaître, d’un lieu à un autre, ou selon le temps liturgique (séquence, nombre de lectures, …), mais voici ma version idéale d’un office, version que j’essaie de respecter le plus possible dans mon ministère.

 Avant l’entrée du célébrant :
Il est préférable que l’organiste joue une pièce ou improvise avant la messe : cela permet aux fidèles de s’intérioriser, et de se mettre en condition pour l’office. Dès que l’orgue commence à jouer, tout change, l’église prend vraiment son sens de lieu cérémoniel.

L’organiste pourra peut-être utiliser l’un ou l’autre thème qui sera utilisé durant la célébration. On peut imaginer un crescendo qui arriverait à son apogée lorsque le célébrant entre, ou lorsque la procession commence.

 Chant d’entrée :
Pour affirmer l’entrée en célébration, l’orgue accompagne l’assemblée de façon soutenue (sauf exceptions comme le Carême, l’Avent, …), de nouveau dans le but de mettre les fidèles en condition,  et pour les inciter à participer davantage à la liturgie par le chant
 Le chant d’entrée choisi doit correspondre le plus possible au temps liturgique effectif, afin de préparer les fidèles à la célébration.

 Rite pénitentiel : 
Ce moment demandant une réelle intériorisation, la registration et l’utilisation de l’orgue sont assez sobres, voire même un petit peu sombres.
Cela permettra également de faire ressortir le Gloire à Dieu par le contraste
Ces deux chants étant fort près l’un de l’autre, il faudra veiller à ne pas choisir des tonalités trop éloignées.

Gloire à Dieu :
Il s’agit d’un chant de louange qui doit être solidement accompagné à l’orgue.
L’organiste ne doit pas hésiter à monter en intensité sonore, par l’emploi d’une registration différente de celle du Kyrie.
Son but est ici de faire monter la ferveur des personnes, et … les faire chanter.

 1ère lecture puis Psaume :
On entre dans la liturgie de la Parole. Il peut être intéressant, à la fin de la Première Lecture, que l’organiste laisse quelques secondes aux auditeurs, le temps de méditer brièvement sur ce qu’ils viennent d’écouter avant d’introduire le Psaume. Celui-ci prend alors tout son sens.

 2ème lecture puis Alleluia :
A l’issue de la 2ème lecture s’il y en a, l’organiste introduit  de façon vive et colorée l’Alleluia, qui mènera lui-même à l’Evangile. A la fin de l’Alleluia, l’organiste peut faire un postlude pendant que le lecteur vient à l’ambon, non seulement pour combler un éventuel « blanc », mais pour aussi magnifier cet instant qui mène à l’Evangile, et préparer les fidèles à écouter la Parole.

Idéalement – mais cela se passe rarement ainsi – l’acclamation de la Parole se fait quand le prêtre ou le diacre est à l’ambon, et présente ostensiblement l’Evangéliaire, ainsi acclamé.

 Evangile et homélie
Après l’homélie, il peut être intéressant d’improviser quelque temps, en ayant au préalable écouté l’homélie et en s’en étant inspiré. Cela permet encore une fois aux fidèles d’intérioriser tout ce que vient de leur dire le célébrant.

Intentions 
Pour ne pas utiliser sempiternellement les mêmes refrains, ou alors pour marquer un temps liturgique, il est possible de supprimer les refrains au profit de petites miniatures improvisées à l’orgue, qui seront jouées après chaque intention. Cela permet de ne pas sombrer dans la routine, mais aussi de méditer plus profondément à chaque intention.

 Présentation des dons ('offertoire')
Il s’agit d’un moment-charnière : de la liturgie de la Parole, on passe à la liturgie Eucharistique. L’orgue devrait donc marquer ce tournant.

L’organiste peut choisir dans son répertoire, selon qu’il y ait encensement ou non, des pièces qui feraient sortir certains fidèles d’une éventuelle léthargie, survenue suite à une homélie peut-être un peu trop longue…    

 Préface :
Si elle est chantée entièrement, l’orgue devra se montrer discret, jusqu’au moment où le prêtre invoque les Anges et tous les Saints.

 Sanctus :
Ce chant de louange devra être introduit et accompagné, au- tant que possible, sur une registration brillante et plus forte que les autres chants (à l’exception du Gloria), mais de manière bien sûr à ne pas couvrir le chant. L’orgue doit faire transparaître l’exaltation du Peuple de Dieu. 

Consécration et élévation :
C’est le Mémorial de l’institution de l’Eucharistie. Le prêtre, représentant du Christ, prononce ses paroles. « Il dit, et cela se réalise » (M.Wackenheim)

Ce rite, peut-être le plus important de la célébration, doit être profondément méditatif. Si le texte est chanté, il serait intéressant de l’accompagner sur la voix céleste (si l’orgue le permet), afin d’unir la voix du célébrant à la présence Divine.

Il est suivi de l’anamnèse, qui est une acclamation chantée.

 Doxologie :
 Le point culminant  de la prière eucharistique, à mettre en valeur, par exemple en prolongeant le « amen » chanté.

 Notre Père :
Cette magnifique prière mérite vraiment d’être accompagnée avec soin, en respect du texte. Par exemple, pourquoi ne pas accompagner le début mf, puis quand arrivé à des moments plus graves : « Pardonne-nous nos offenses… »,  descendre jusqu’au p, pour finalement arriver à un f à : « Car c’est à Toi qu’appartiennent… » ?  L’effet est des plus convaincants.

 Agneau de Dieu :
Avec la Communion, il s’agit du moment demandant le plus d’intériorité. L’orgue doit donc agir en conséquence

Au geste de paix, il est utile d’installer un climat, qui va mettre les fidèles en état de recevoir le Corps du Christ, en improvisant sur l’Agnus, par exemple. Celui-ci devra être chanté lorsque le célébrant rompt le Pain.

La moindre des choses est que les chants soient en corrélation temporelle avec ce que fait le célébrant. Parfois, un ou deux refrains suffisent, il n’est pas nécessaire de faire durer le chant pendant plus d’une minute.

Communion :
S’il n’y a pas de chant, l’orgue jouera de façon douce et méditative, toujours pour permettre aux fidèles de prendre conscience du geste qu’ils viennent de faire, et les unir avec Dieu.

L’orgue s’arrêtera lorsque tout sera rangé sur l’autel, de façon à pouvoir encore prier, mais dans le silence

 Envoi puis sortie :

 D’une manière générale, l’orgue jouera ff, pour envoyer les fidèles porter la Bonne Nouvelle. Il fera sentir toute l’allégresse du peuple chrétien par sa puissance et sa majesté. C’est le moment où l’organiste peut se défouler, avec une pièce de répertoire ou une improvisation sur l’un ou l’autre des différents chants utilisés pour l’office.

 

 

 

 

 


[1] Constitution conciliaire sur la Sainte Liturgie, paragraphe 120

 



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